J’ai vécu près de chez vous: Qui suis-je?(12)

Écrit par le 2 décembre 2020

Je suis né  le 7 janvier 1873 à Orléans et suis  le premier et l’unique enfant d’une famille d’artisans modestes. Ma mère et ma grand-mère maternelle sont rempailleuses de chaises.

Ma vocation patriotique précoce est due au souvenir de mon père, Désiré, parti à vingt-quatre ans en 1870 avec le 37e des mobiles du Loiret, défenseur de Paris assiégé, mort le 18 novembre 1873 dix mois après ma naissance, d’une maladie contractée au combat. J’ai donc grandi à Orléans « ville de bataille » depuis Jeanne d’Arc, en relisant l’unique lettre de mon père.

D’ autres figures quasi paternelles ont complété mon éducation patriotique au faubourg Bourgogne dont Louis Boitier, le forgeron autodidacte, libre-penseur et républicain à l’antique, le premier qui m’ « ai mis Hugo entre les mains » . Monsieur Naudy ensuite, le directeur de l’école normale des instituteurs du Loiret qui m’a accueilli  à sept ans et m’a poussé aux « études » via l’école primaire des « hussards noirs »,

L’école est la part la plus précieuse de mon enfance. Elle m’a donné ma chance, non en m’extrayant de mon milieu, mais en me permettant d’être moi-même et d’épanouir les dons que j’avais pour le travail intellectuel.

Après mon premier échec au concours d’entrée à l’École normale supérieure, j’ai bénéficié d’une disposition de la loi du 11 juillet 1872 qui permettait aux soutiens de famille et aux bacheliers de ne servir qu’une année, suivie de périodes de vingt-huit jours. Ces mois de régiment m’ont ravi. J’en sors soldat de première classe puis caporal empli d’une « joie féconde ».

Encouragé par Lucien Herr, je m’associe à d’autres camarades, parmi lesquels Léon Blum, pour fonder une maison d’édition socialiste, la Société Nouvelle de Librairie et d’Edition. 

Puis je prends une année de congé afin de pouvoir me consacrer à ma première grande œuvre : une vie de Jeanne d’Arc que je termine en 1896

L’année 1898 a vu les passions se déchaîner autour de l’affaire Dreyfus : dans le sillage de Jaurès et de Zola, je m’engage, signant des pétitions, manifestant à la tête de groupes d’étudiants en faveur du capitaine injustement accusé. Avec Jaurès, je suis convaincu que le devoir des socialistes est de s’élever contre la raison d’Etat quand elle fait cause commune avec l’injustice, même si la victime de cette injustice est un « bourgeois ».

Me voici lieutenant et maintenu à ma demande en réserve active. Chaque année, jusqu’en 1913, « je me rend aux manœuvres comme à un rendez-vous d’amour »,

Le 2 août 1914, je suis mobilisé en tant qu’officier volontaire dans le 276e Régiment d’Infanterie . Je revêts mon uniforme noir et rouge de lieutenant d’infanterie de réserve et fait mes adieux à ma femme Charlotte, qui est enceinte, et à ses deux plus jeunes enfants, Germaine et Pierre. L’aîné, Marcel, l’accompagne à la gare de Bourg-la-Reine prendre le train pour Paris. Le mardi 4 août, je dois rejoindre le 276e régiment d’infanterie à Coulommiers et, de là, gagner le front.

Je mets à profit les deux dernières journées de liberté qui s’offrent à moi pour rendre une dernière visite à mes ses amis… et ses ennemis …. Ma brouille avec Jean Jaurès ne pourra  être levée : il a été  assassiné vendredi. J’aimais  Jaurès, le  Jaurès dreyfusiste originel, le Jaurès socialiste, le Jaurès patriote. Je ne lui pardonne pas ses alliances.

Jaures et moi

Je reviens une dernière fois dans la boutique des Cahiers de la quinzaine que j’ai créé en 1900 après la faillite de ma librairie dans le but de publier mes propres œuvres et faire découvrir de nouveaux écrivains comme Romain Rolland ou Georges Sorel. Je regarde les piles alignées sur les étagères. Elles sont le témoin de toutes les luttes que j’ai menées depuis quinze ans.

Et c’est dans la chaleur de l’été que je pars, vers 16 heures, le 4 août pour rejoindre Coulommiers. On fredonne la Carmagnole, ressortie des profondeurs de la mémoire populaire, aussi bien que la Marseillaise et le Chant du départ. Comme tous les Français, je crois que la guerre sera courte et victorieuse.

Mon régiment, le 276e Régiment d’Infanterie, est positionné en soutiens sur le flanc gauche de l’attaque de Penchard.

 La bataille qui se déroule le 5 septembre 1914 sur les communes de Monthyon, Chauconin-Neufmontiers et Villeroy marque le début de la première bataille de la Marne.

Le capitaine de ma division est tué héroïquement lors de la première charge. Je prends alors le commandement et alors que j’exhortais ma compagnie à ne pas céder un pouce à l’ennemi, en plein coeur de la bataille de Villeroy, une balle ennemi me frappe en plein front ….

QUI SUIS-JE?

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